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Les petits Fans rencontrent
Sophie REvil, Productrice
Un sticker L'amour Flou sur l'ordinateur, des affiches des productions Escazal partout les murs et une intégrale de MadMen au milieu des scénarios, voilà ce qu'on découvre dans les bureaux de Sophie Revil et Denis Carot, producteurs des Petits Meurtres. Nous avons pu rencontrer Sophie Revil et lui poser quelques questions..
Les Petits Fans : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre rôle au sein de la série ? Vous considérez-vous plutôt comme une directrice artistique ou une « showrunner » ?
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Sophie Revil : Pour moi c’est un peu pareil : showrunner étant le nom anglais pour directeur artistique. J’ai co-créé les personnages, l’idée de la série vient de moi. L'idée de départ était de franciser des personnages d’Agatha Christie, je l'ai proposé à France 2 ce qui a eu les évolutions que vous connaissez. Les deux premiers héros, Larosière et Lampion, ont été créés par Anne Giafferi et Murielle Magellan. Pour la saison 2, on a créés les personnages tous les trois avec Sylvie Simon et Thierry Debroux : j'avais une idée très précise de ce que je voulais, j’ai donc drivé leur création.
Ensuite effectivement c'est un rôle de showrunnner c’est-à-dire celui de concevoir tout l'univers visuel de la série, en liaison avec les réalisateurs, Eric Woreth, qui était le pilier de la série, le chef opérateur Bertrand Mouly et le chef décorateur Moundji Couture. Cela consiste à se montrer beaucoup de références visuelles, des films, notamment les films de Hitchcock qui étaient très importants pour nous, à animer toute cette équipe artistique, également à faire le choix des looks des personnages avec la chef costumière...
Je choisis le roman et nous réfléchissons à l'évolution des personnages. La saison 2 a évolué au fur à mesure : on est allés de plus en plus vers les histoires personnelles et vers la comédie et c'est moi qui impulse ça, qui pousse les auteurs à mêler les personnages aux intrigues. Car c'est tout à fait improbable qu'ils enquêtent toujours sur des choses qui arrivent à leur sœur, leur mère... mais on s'en fiche : c'est ce que les anglais appellent « suspension of disbelief », on est prêt à croire ce qu'on a envie de croire. On a également été très loin dans la comédie, comme dans Ding Dingue Dong.
Je travaille aussi au montage : je regarde tous les rushes et veille à ce qu'on ne dérive pas trop dans la farce. Les réalisateurs présentent le montage à Denis Carot, mon associé, et à moi-même et on travaille aux modifications avec les réalisateurs avant de montrer le résultat à France 2. Il y a aussi la musique... En fait toutes les étapes artistiques passent entre mes mains pour qu'il y ait une cohérence.
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LPF : Comment en êtes-vous arrivée à devenir productrice ?
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SR : J'étais très cinéphile, passionnée de littérature. J'ai fait Sciences Po, en section service public, pour faire l'ENA, ce qui ne m'y prédestinait pas du tout ! J'ai été faire une business school aux États-Unis, à New-York, à Columbia, et j'ai eu la chance d'être jeune fille au pair d'une actrice, Barbara Hershey (Hannah et ses sœurs, Woody Allen...), ce qui m'a confirmé dans mon envie de travailler dans le cinéma. J'ai mis un petit moment pour y arriver... ! J'ai commencé productrice d'émissions vidéos puis directrice littéraire de séries comme Navarro, L'instit.. Quand j'avais 31 ans tout d'un coup il y a eu cette opportunité : la boîte dans laquelle j’étais a été rachetée par un groupe et donc j’ai créé Escazal avec Denis Carot.
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LPF : Regardiez-vous des séries quand vous étiez plus jeune et cela vous a-t-il influencé, ou vous influence-t-il encore aujourd'hui ?
SR : Beaucoup ! J'ai beaucoup regardé de séries : Amicalement Vôtre, Les Mystères de l'Ouest, Daktari, Flipper le Dauphin... ce sont les séries des années 60-70 ! Aujourd'hui je regarde toujours énormément de séries, je suis toujours très cinéphile et je vais souvent au cinéma mais je trouve plus de satisfaction en regardant des séries, comme The Night Of par exemple, The Marvellous Mrs Maisel... Je suis abonnée à beaucoup de plate-formes en ligne... J’ai des goûts très éclectiques, de Stranger Things à Gentleman Jack.
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LPF : Pourriez-vous nous citer un épisode qui vous a personnellement marqué et pourquoi ? Une réplique préférée ?
SR : Il y a un épisode que je trouve vraiment parfait, c'est Le Cheval Pâle. Il a tout vraiment. Évidemment Pension Vanilos est un épisode qui nous a tous marqué : la mort de Marlène, l'incroyable démonstration d'acteur de Blandine Bellavoir et Samuel Labarthe quand ils pleurent au café... C'est magnifique, on est très fiers des films que l'on fait. Récemment j'adore L’Heure Zéro.
Et des répliques préférées j'en ai plein ! « Oh mais il doit faire de toutes petites photos », « J’ai beau chercher votre sexe reste un mystère », « Même avec des bas résille un sac de pommes de terre ça sera toujours un sac de pommes de terre », « Gourde ça doit vous dire quelque chose », « Je suis secrétaire et je m'attache très facilement »... Ce que j'adore absolument aussi, mais parce qu'il faut voir l’image aussi d’Avril qui se casse la figure en le disant, c'est « Il a mis sa langue dans MA bouche !!»
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LPF : Comment avez-vous appréhendé l'ajout de personnages secondaires comme Tim, Euphrasie et Arlette ?
SR : Cela se fait au fil des histoires. On avait envie que Laurence tombe amoureux donc on a créé Maillol. Cyril Gueil je trouve que c'est un acteur démentiel, qui a une fantaisie, une classe... J'aimerais beaucoup le faire rejouer dans une série. Quant à Tricard c'est parce qu'il était bon qu'il a pris de l'importance, qu'on a commencé à l'aimer plus en plus.
Ce sont aussi les circonstances : c'est parce que Marlène quittait le bureau pour épouser Herbert qu'il fallait créer un personnage, celui d'Arlette Carmouille, et je rends hommage au génie de Sylvie Simon et au génie de Marie Berto qui a accepté de s'enlaidir, d’être ridicule. J'adore l'histoire d'amour entre Carmouille et Tricard dans Rendez-vous avec la mort. Ce n'est pas un épisode que j'adore parce que pour moi il est un peu trop classique mais j’adore les répliques et cette scène quand ils se regardent dans le cimetière... c'est trop mignon.
Il faut qu'on arrive à garder cette poésie parce que l'écriture des Petits Meurtres est extraordinaire, et c'est Sylvie Simon, je ne le redirais jamais assez, qui a mis la barre si haut et qui a entraîné les autres à faire aussi bien.
LPF : Vous avez donc une main sur tous les domaines de production d’un épisode, mais quelle est votre partie préférée ? A l’inverse, quelle est celle que vous redoutez le plus ?
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SR : Mes parties préférées sont l'écriture et le montage, mais en fait c'est un peu la même chose parce qu'au montage on réécrit en quelque sorte, on change des scènes de place, on raccourcit certaines scènes...
Ce que j'aime le moins ce sont les contraintes financières. Parce que je suis aussi productrice, donc c’est moi qui vais me battre, avec Denis Carot, pour avoir l'argent à France 2. France 2 a réduit les budgets donc c'est vrai qu'il y a toujours des contraintes qui nous obligent parfois à couper les choses qu'on aime et c’est un peu un crève-cœur par moments.
Ce qui est difficile aussi c'est quand je ne m'entends pas avec les réalisateurs. Ça a pu arriver et ça crée des tensions sur le tournage, mais globalement ça s'est très bien passé avec les acteurs, c'était une super équipe, l'équipe technique est adorable... On s’entend très bien. D'ailleurs vous allez tous nous voir à la fin d'Un Cadavre au Petit-Déjeuner, puisqu'on a tous joué dans la dernière scène... !
LPF : Dans d'anciens articles, il était question d'épisodes qui n'ont jamais vu le jour (par exemple, un épisode dans le milieu du cirque a été évoqué à plusieurs reprises), que sont devenus ces scénarios ? Ont-ils été abandonnés ou retravaillés ?
SR : Celui du cirque n'a jamais été écrit mais effectivement c'était une envie très forte qu'avait Éric Woreth, Thierry Debroux également, Blandine aussi, qui voulait prendre des cours de trapèze... On a vu venir le truc où tout le monde allait vouloir faire un numéro, ça allait nous coûter une fortune et c'était très compliqué à organiser donc on a laissé tomber.
Par contre il y a parfois des scénarios qui ont été écrits et qui ne sont pas assez bons donc je laisse tomber en cours de route. C'est très rare, ça a été le cas avec un scenario adapté du roman Un Deux Trois, qui commençait chez un dentiste mais c'était une histoire ultra compliquée, on ne s'en est jamais sorti... Donc ça arrive, même si c'est rare, qu'on rate aussi !
LPF : Avec l’épisode musical à venir, les chansons des épisodes précédents et les excellentes compositions de Stéphane Moucha, peut-on espérer un jour voir la commercialisation de la BO ?
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SR : On a envisagé de faire un disque mais c'est compliqué car ce n'est pas notre métier. On a sondé les maisons de disques, les éditeurs musicaux... Mais les six millions de téléspectateurs ne vont pas forcément acheter le disque... Déjà ça nous a coûté beaucoup d'argent de faire écrire les chansons, de faire composer la musique, de faire répéter les acteurs pour chanter et danser donc c'est encore des frais supplémentaires sans que malheureusement ce ne soit une opération commerciale rentable.
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LPF : Regardez-vous un peu ce qui se dit dans la communauté des fans ?
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SR : Je ne regarde pas beaucoup car je ne suis pas tellement sur les réseaux sociaux moi-même.
D'ailleurs j'ai un compte Facebook mais je ne fais que transférer ce que publie Les Petits Meurtres... ! Twitter et Instagram je n'y publie rien, je n'ai simplement pas le temps : je bosse énormément, j'ai une famille...
Maintenant ça me touche énormément, parfois pendant les diffusions je jette des coups d'œil et j'adore, ça me fait extrêmement plaisir de voir le plaisir, le bonheur qu'on procure aux gens. Je suis très reconnaissante aux téléspectateurs qui nous aiment et aux fans.
LPF : Pouvez-vous nous parler un peu de «Ils Étaient Dix» pour M6 ? Comment s’est passé le tournage ?
SR : Tournage très compliqué parce qu'un réalisateur qui dépassait beaucoup, Pascal Laugier, mais une bande d’acteurs extraordinaires : Romane Bohringer, Manon Azem, Samuel Le Bihan, Guillaume de Tonquédec, Matilda Lutz, Marianne Denicourt Nassim Si Ahmed, Patrick Mille, Isabelle Candellier, Samy Seghir. On est très contents du résultat, c'est super, très moderne, hyper bien réalisé... Ça sera à Série Mania et ensuite sans doute vers mars-avril sur M6.
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LPF : Prévoyez de produire d'autres films avec une ambiance un peu indé comme vous l'avez fait pour « L'Amour Flou » ?
SR : Oui on a pas mal de films de cinéma en développement. Canal+ nous a commandé l’écriture de la série L'Amour Flou car ça leur a beaucoup plu. C'est un couple qui s'installe dans deux appartements reliés par la chambre de leurs enfants. On en fait une série de comédie de 12 x 30 minutes sur la vie dans ce lieu très étrange : est-ce que ce mode de vie va résister à tous les problèmes, les nouvelles histoires d'amour, les problèmes financiers... C'est très drôle. C'est en écriture donc on espère tourner l'année prochaine.
On produit aussi le deuxième film de Romane Bohringer, une adaptation du roman de Clémentine Autain, Dites-lui que je l'aime, très beau roman sur sa mère, l'actrice Dominique Laffin. On fait de nouveau un long-métrage de Jean-Pierre Améris. Le dernier film qu'on a fait avec lui est Illettré, pour France 3, avec Kevin Azaïs, qui était un beau film. Là il s'agit de Les Folies fermières, une comédie sur un agriculteur qui crée un cabaret dans sa ferme. C'est une histoire vraie sur David Caumette, qui a créé un cabaret dans sa ferme près de Toulouse.
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LPF : Pourriez-vous confirmer qu’il y a bien du surnaturel et des phénomènes inexplicables rationnellement dans la série ?
SR : C'est quelque chose qu'Agatha Christie aimait bien, les tables qui tournent, donc on est toujours un peu dans sa tradition !
On assume le fait de faire des choses un peu inexplicables, même si France 2 était très réticent notamment vis-à-vis du ''retour'' de Maillol. Finalement chacun croit ce qu'il veut : est-ce que c'est une création mentale de Laurence, est-ce que c'est vraiment un fantôme, faut-il l'expliquer... ? Bien-sûr que non ! C'est ce qui est chouette dans les Petits Meurtres, c'est qu'on n'a pas de limite. On se permet vraiment de mélanger les genres, de mélanger toutes les formes d’humour : des fois c'est très burlesque, des fois très psychologique, des fois c'est de l'humour de réplique, un peu ''théâtre'', évidemment de la comédie de personnages... Il n'y a pas d'autre série qui fait ça !
C'est vrai qu'on ne s'empêche rien : par exemple France 2 était vraiment très frileux vis-à-vis de la scène des laxatifs de Ding Dingue Dong… Mais tout dépend comment c'est fait, et là c'est hyper bien fait par Christophe Campos parce que qu'il ne filme que les pieds de Laurence quand il part aux toilettes. C'est vrai qu'il faut que ce soit fait avec finesse mais ça c'est notre marque de fabrique, on n'est jamais vulgaire.
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LPF : Quelle a été la chose la plus compliquée à faire durant le passage de la saison 1 à la saison 2 ? Comment amorcez-vous la 3e saison ?
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SR : De la saison 1 à la 2, le plus dur a été de convaincre France 2 parce qu'ils étaient très frileux à l'idée d'une deuxième saison, mais finalement on les a pris un peu de vitesse. Là ce n'est pas le cas parce qu'ils étaient tout de suite enthousiastes, c'est plutôt eux qui nous ont poussé !
De toute façon le plus difficile c'est l'écriture. C'est la seule chose qui soit réellement difficile. Quand on a un bon scénario, tout est là. On a déjà franchi cette étape parce que je trouve les deux premiers scénarios excellents. On est en train de les travailler, je pense que ça va être bien. Maintenant il ne faut pas qu'on se plante sur le casting ! A priori, on ne cherche pas des acteurs connus, puisque que la marque est déjà tellement forte...
LPF : Avez-vous déjà des éléments sur la saison 3 que vous aimeriez nous communiquer ?
SR : Côté scénarios et personnages, j'ai changé d'auteurs donc c'est une nouvelle équipe ! Thierry Debroux continuera à écrire des épisodes mais il n'a pas participé, par manque de temps, à la création des personnages. Sylvie Simon est parti vers de nouvelles aventures donc ce sont principalement les auteures, très douées, de L'Heure Zéro, Flore Kosinetz et Hélène Lombard qui ont, avec deux autres auteurs et moi-même, créé les trois nouveaux personnages que vous allez découvrir.
C'est le même principe que pour la saison 2 : il y a des oppositions de classes sociales car ça c'est très important pour moi. Il y a des personnages qui viennent d'une classe sociale très chic, un personnage en particulier, et il y a des personnages qui viennent de classes sociales populaires. Je pense que c'est un ressort qui est fort.
Il y a évidemment le féminisme : on est en plein dedans car on est dans l'année 1971. C'est hyper intéressant parce que c'est à la fois la libération sexuelle et les années les plus machistes ! C'est les années des machos, d'autant plus que la sexualité se libère, donc on peut complimenter une femme sur ses seins, lui mettre la main aux fesses... C'est l'occasion de parler de tout ça, du machisme, des rapports hommes-femmes aujourd'hui, à l’époque Me Too, en se plaçant dans une époque où tout ça était parfaitement toléré. C'est un espèce de miroir grossissant de choses qui peuvent se passer encore aujourd’hui.
Il y a une nouveauté quand même : on a adapté 35 romans d'Agatha Christie depuis le début, sachant qu'elle en a écrit 66. Il y en a une dizaine dont on a pas les droits et la vingtaine qui reste est très difficile à adapter. On a donc expliqué à James Prichard (arrière petit-fils d'Agatha Christie, détenteur de ses droits - ndlr) qu'il fallait qu'on soit libéré de cette obligation d’adapter des livres pour plutôt retranscrire l'esprit d'Agatha Christie, comme la série Sherlock l'a fait avec l’œuvre de Conan Doyle, et ça a été accepté. Donc les deux premiers épisodes sont adaptés de livres : La Nuit qui ne finit pas, qui est un excellent roman que je vous recommande, et Le Vallon, mais ensuite quasiment à chaque fois nous ferons d'après l’œuvre d'Agatha Christie.
LPF : Un dernier mot à ajouter ?
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SR : Quand je vois à quel point les fans de la première saison ne voulaient pas passer à la deuxième et à quel point maintenant la première n'existe plus quasiment, je me dis que ça va aller pour la troisième. Je me dis que les gens vont avoir une curiosité. Les quatre premiers scénarios sont en écriture, le premier est déjà très avancé et il est à mourir de rire selon moi, il est génial et franchement je pense déjà qu'on a réussi notre coup parce que les téléspectateurs vont voir le premier et, comme quand ils ont vu Jeux de Glaces, ça va bien se passer.
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Merci à Sophie Révil de nous avoir reçu et d'avoir répondu à toutes nos questions. Nous lui souhaitons le meilleur pour le lancement de la saison 3, et nous partageons son enthousiasme pour cette nouvelle aventure !
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